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vendredi 21 mai 2021




Liberté et perfection - la vie de Yané Sandanski TOME I est un des livres les plus lus pendant le premier confinement. 


Petit extrait 

Yané Sandanski était l’enfant de la montagne. 
Elle forge son caractère et fait de lui l’être humain qu’il devient. Il la considère comme sa mère spirituelle et,  grâce à elle,  il aura une force de caractère sans pareille. Yané aura une volonté bien plus forte de progresser  en  permanence,  pendant  toute  sa  vie,  en  visant 
toujours plus haut. Quelque chose qui, dans sa soif de liberté et de perfectionnisme, le poussera toujours vers l’avant jusqu’à son dernier  souffle.  L’humeur  changeante  de  la  montagne  était, inévitablement, exprimée dans le regard pénétrant de son fils  – ses yeux pourraient ressembler aussi bien à deux beaux rayons de soleil dans  le ciel estival qu’à deux nuages bien froids aussi lourds et noirs que le plomb  dans  le ciel hivernal. Ses ennemis ne  voyaient  que  les  pics  de  sa  colère  et  les  tempêtes  qui sévissaient  autour  d’eux.  Les  coupables  savaient  très  bien qu’essayer  de  se  venger  serait  comme  demander  pitié  à  une avalanche  en  chute  libre.  Parmi  ses  crevasses  cachées  par  la neige et ses horribles rochers dénudés de verdure,  la montagne donnait naissance à des pelouses en velours, couvertes de fleurs, très douces et magnifiques dans leur abondance comme celles, fleurissantes,  dans  les  plaines  situées  plus  au  sud.  C’était  de même quant à cette ville et à ses montagnes. Elle fait incarner à son enfant non seulement l’inflexibilité de son caractère mais aussi  certains  traits  de  caractère  plus  humains  et  plus  doux. Avant  tout,  la  montagne  Pirine transforme  Yané  en  quelque chose  qu’elle  a  toujours  été  elle-même  –  un  protecteur  et défenseur des personnes opprimées et exploitées. 
Le village dans lequel Yané Sandanski est né, Vlahi, fut fondé par  une  population  qui  cherchait  dans  la  montagne  de Pirine  la 1iberté et la sécurité qui avaient fini par disparaître des vallées fertiles à l'époque du joug ottoman. La montagne de Pirine était considérée comme le royaume de Yané.
  Les  habitants  de  Vlahi étaient  uniquement  d’origine  bulgare.  La  population  turque, même si c’étaient les  dirigeants à cette époque, n’apparaissait dans ce village que lors des jours de fête ou des jours de marché. 
En  1878,  l’évêque  grec  de  la  ville  de  Mélnik  essaye  de convaincre la population de Vlahi de la nécessité d’avoir une école  dans  laquelle  l’enseignement  serait  effectué  en  langue grecque.  Il  se  heurte  à  un  refus  net  et  catégorique :  selon  les paysans dans le village il n’y a que des Bulgares et ils refusent que  leurs  enfants  deviennent  l’objet  d’une  propagande  néohellénique. En 1880,  les tentatives de l’Union grecque à Syar d’imposer  deux  professeurs  d’origine  grecque  tombent rapidement à l’eau. Le  village  de  Vlahi  est  situé  sur  les  flancs  ouest  de  la montagne Pirine à une hauteur de 700-800 mètres au-dessus de la mer. Situé loin sous les monts, le voyageur qui doit monter cette  petite  distance,  de  moins  d’un  kilomètre,  après  avoir marché longtemps dans les vallées, a l’impression que cela se trouve au bout du monde. Un sentier part de la vallée de la rivière Strouma  et  mène  à  l’intérieur  de  la  montagne  Pirine  tout  en tournant et en serpentant de plus en plus haut. Il ressemble à un oiseau  qui  vole  dans  la  même  direction  qu’un  courant  aérien montant,  jusqu’à  ce  que  finalement  le  voyageur,  en  jetant  un regard derrière soi, voit la Macédoine de la même façon que l’on voit les aigles. Les grands peupliers sur les bords de la rivière Strouma et les arbres fruitiers de pêches de la ville de Pétritch ressemblent à des pousses d’herbe aux pieds de l’impressionnant panorama de la ville d’Ograjdéné, de celle de Béllassitza et de la montagne Maléshévska. Bientôt, le monde extérieur disparaît complètement du regard, alors que le sentier continue à serpenter de plus en plus dans le cœur de la montagne de Pirine et n’arrête pas de monter en passant par des  défilés déserts et à côté des chutes  d’eau  et  au-dessus  de  ruisseaux  couverts  d’écume.  Le seul signe de vie pourrait être un troupeau de chèvres, que l’on croise par hasard, dont les jambes solides et les pas bien assurés les font passer par des endroits inaccessibles à l’être humain. Et voilà  qu’au  moment  où  le  voyageur  a  l’impression  d’avoir atteint le point le plus éloigné, apparaît tout à coup le village Vlahi,  posé  comme  un  oiseau  sur  une  colline  située  sur  deux flancs de la montagne, dont descendent,  de façon vertigineuse, les neiges fondues d’Éltèpé et de ses frères de granit, afin de se jeter dans les eaux de la rivière Strouma pour les rejoindre.       



       Dans la plupart des chansons et des légendes, les méchants étaient bien sûr punis, car le sens de la justice était très développé chez les habitants de Vlahi. Même lorsque la punition était trop cruelle ou qu’elle ne correspondait pas du tout au crime commis, ils approuvaient la punition effectuée malgré tout. Ils n’avaient jamais  pitié  des  méchants. Dans  un  pays  comme  l’Empire Ottoman dans lequel il régnait une telle injustice et qui était si mal gouverné que ne régnaient que le mal et la force, alors que les innocents souffraient sans espoir de vengeance, pour les gens ordinaires il était tout à fait normal de chercher consolation dans la fiction et de prendre leurs désirs pour de la réalité. Un exemple de cela est une chanson populaire dans laquelle une grenouille était partie faire la moisson avec des souris et non pas avec des bœufs et avec du foin à la place de l’aiguillon. Elle croise sur le chemin le hérisson qui renverse toutes ses semences, qui finit par casser son « aiguillon » et fait peur à ses « bœufs ». Alors, la grenouille en colère s’est plainte à un cadi qui n’a fait que lui rire au nez. Encore plus en colère la grenouille appliqua la loi, elle-même, fit peindre le cadi, prit sa place et en trois jours fit peindre « trois cents » hérissons. De toutes les chansons  que l’on chantait à  Vlahi, celle qui exprime le mieux l’humeur de la montagne ce celle qui raconte l’histoire d’un jeune héros qui s’appelait Yovan. Il a été capté par  les  Turcs  après  avoir  résisté  si  fortement  qu’il  a  fini  par casser neuf chaînes, avant que les Turcs n’arrivent à le ligoter avec la dixième. Ses  tortionnaires ont usé neuf couteaux avant de réussir à le tuer avec le dixième. Selon la coutume barbare des Turcs, ils ont pris sa tête et l’ont portée à travers tous les 
villages par lesquels ils passaient en espérant que quelqu’un la reconnaisse. Enfin, une femme âgée finit par reconnaître la tête de son fils. Dans toutes les régions en Bulgarie, on peut entendre des chansons à ce sujet. La majorité d’entre elles finissent en racontant comment les turcs, qui étaient admiratifs en tant que soldats, même devant un brave ennemi, ont fait des éloges à celle qui avait élevé un homme si brave que Yovan. Selon la version de  la  chanson  qu’on  connaît  à  Vlahi,  la  mère,  à  travers  ses larmes, reprocha à son fils de ne pas avoir mérité son lait, car il a permis aux Turcs de le capturer et de lui couper la tête. Il est vrai que c’est une condamnation bien cruelle qui, sans doute, n’a jamais été prononcée par une vraie mère, mais c’est la  véritable  condamnation  de  la  montagne  Pirine  qui  est impitoyable - une montagne qui veut  que ses fils soient de granit et de marbre au lieu d’être de chair et de sang. Personne ne peut répondre à ses exigences, car les êtres humains ne sont pas des êtres surhumains sortis des légendes et des contes, défendues par de la magie et rendues invincibles et qui utilisent une magie telle qu’elle est plus forte que leurs armes et leurs ennemis. L’être humain  ne  peut  se  battre  que  jusqu’à  la  limite  de  ses  forces humaines, même lorsque c’est la limite de la neuvième chaîne et du neuvième couteau. Il lui est impossible de faire plus que cela. 
      Mais n’oublions pas que la montagne Pirine reste aussi la mère de  Spartacus  et  elle  demande  l’impossible.  Elle  demande  la perfection.  Elle  méprise  et  renie  ceux  qui  se  rendent  avant d’avoir  été  au  bout  de  leurs  forces,  sans  avoir  voulu  puisé jusqu’au dernier gramme de leur énergie ; elle considère comme ses fils uniquement ceux qui tiennent jusqu’au bout et exprime son  amour  particulier  envers  eux,  uniquement  à  travers  ses larmes par lesquels elle radoucit ses reproches. De tous les fils de Pirine aucun n’a été aussi digne d’elle et de ses larmes que Yané Sandanski pour qui le peuple chante :

Qui pourrait moudre les rochers ?
Qui pourrait les aigles attacher ? 
Qui pourrait les faucons attraper ? 
Le faucon de Pirine – Yané !


Voilà quelle était la gloire de Yané Sandanski –  personnage principal du présent récit.

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