Voici le IIème Tome de
Liberté et Perfection - la vie de Yané Sandanski
Liberté et Perfection - la vie de Yané Sandanski
Lorsque, à peine âgé de vingt-deux ans, le Moadjira tombe dans une bataille contre les armées turques, après avoir organisé, avec deux de ses camarades, une embuscade à un bandit turc qu’il tue « La feuille révolutionnaire » publie une nécrologue, dans laquelle est résumé son caractère particulier, en le qualifiant de « philanthrope assoiffé de sang » et utilisant pour refrain les paroles de la chanson immortelle de Maxime Gorki « La chanson du faucon » : Les braves déraisonnables nous ne les chantons pas ! …»
Personne n’a remarqué de quelle façon Yané a-t-il réagi en apprenant la mort de son jeune préféré et ami, même s’il a été, indubitablement, bien plus triste au fond de lui qu’il ne l’a sûrement admis devant les autres. Grâce à l’habileté de Yané en tant que commandant militaire et de sa stratégie, à chaque fois que c’était possible d’avoir un front commun et d’avoir recours à la violence uniquement lorsque les conditions le lui imposaient, de telles pertes étaient rares dans la région de Serres. Il faut souligner que Yané se tenait à la lettre quant à la législation et à l’ordre établi et ne laissait impunie la moindre infraction. L’action pendant laquelle péri Gueorgui Moadjira, faisait partie de la propagande contre les troupes anti-sandanistes, créées par le dirigeant turc de Mélnik, qui avait même amené des bandits dans le but de terroriser la population et de la forcer à obéir. Dans ses efforts de se débarrasser de la présence gênante de Yané. Il recrute des espions supplémentaires. Mais le dirigeant turc fait de même. Voilà pourquoi le nombre des attaques non contrôlées contre les villageois, menant fréquemment à leur assassinat, accroit sensiblement. Les habitants se tournent vers Yané pour lui demander de la défense en réponse à quoi il renforce sa troupe et la milice locale et s’occupe à punir les coupables autant que possible. Pour le sang versé il fallait en répondre de même, même si pour cela il fallait sacrifier des troupiers comme le jeune Gueorgui. Le prix était élevé, mais il devait être payé, afin que l’organisation puisse maintenir son prestige et son autorité. L’inaction la discréditait aux yeux du peuple. Chaque bandit, chaque vaurien et chaque traître devaient sentir la main vengeresse de l’organisation ; chaque honnête homme devait se sentir sûr sous sa protection. La bataille continue ensuite. Par exemple, en septembre 1906 une troupe, menée par Gueorgui Kazépov, attaque un groupe d’environ vingt bandits albanais qui étaient en train de dîner à Orman Tchiflic (Damyanitza) à la maison dans laquelle ils s’étaient installés. Le bâtiment se trouve incendié et tous les albanais, sauf un, périssent dans les feux ou sont tués. Du côté bulgare il n’y a pas de victime. Un détail intéressant dans cette action c’est que même si de nombreux albanais portaient des pièces or dans leurs ceintures, aucun troupier ne s’est rabaissé à les leur prendre une fois qu’ils étaient morts – fait qui donne aux turcs à comprendre très clairement que la raison de l’attaque c’est une punition et non pas un brigandage.
De pareils actes de vengeance refroidissent peu à peu les braises des gaillards et la plupart d’entre eux reviennent vers leur paisible travail agricole au lieu de prendre le risque de s’attirer la colère noire de Yané.
À partir de là les turcs avaient commencé à éprouver un grand respect envers Sandanski. Les soldats, officieusement, lui avaient attribué le rang le plus élevé que leur pays pouvait attribuer à ce moment-là : ils l’appelaient pacha et lorsqu’ils l’entendaient à donner des ordres d’attaque à voix haute, commençaient à crier, pris de panique : « Sandan pacha arrive ! Sandan pacha arrive ! » Ils expliquaient sa capacité à s’échapper intacte des encerclements, à raconter qu’aucune balle n’arrivait à le toucher et même Yané, lui-même, finit par presque croire la vérité de ces propos.
Une fois que Yané s’était échappé, intact et sans avoir été remarqué d’une bataille qui avait eu lieu près de Mélnik, les turcs n’arrivaient pas à croire qu’il avait réussi à se faufiler entre les mailles du filet et décident qu’il doit avoir une cachette dans la région. Ensuite, ces informations arrivent aux oreilles du professeur de Méhomya, Hristo Kirov. Kirov était élu en tant que délégué lors du second congrès de la région de Serres, qui avait eu lieu pendant l’été de 1906 et comme il ne se sentait pas très bien au lieu d’y aller à pied il décide d’y aller à cheval en louant un cheval chez un charretier. Juste avant qu’il ne parte, un courrier secret est reçu par un canal secret – le courrier de la part du père Paiciï du monastère de Rila destiné au congrès. La région de Serre avait un courrier très efficace : chaque semaine, sans importance de l’époque, des estafettes se rendaient au monastère pour donner et recevoir du courrier à destination de Sofia. Cette fois-ci le courrier était caché dans le foin de la selle du cheval de Kirov, mais pour une sécurité encore plus grande, le comité local décide que Kirov doit voyager avec le courrier turc et être escorté par deux chevaliers. Ces deux derniers, sans se rendre compte que Kirov parle la langue turque, commencent à discuter les événements à Mélnik et commentent, sans cacher leur admiration que leurs collègues avaient réellement réussi à encercler la troupe de Sandanski, mais malheureusement - lorsqu’ils commencent à resserrer le périmètre – il s’est trouvé qu’il n’y avait personne à l’intérieur; voilà pourquoi il était clair qu’il avait sûrement un repaire bien caché dans lequel il s’était évaporé comme au plus profond de la terre.
Lorsque Kirov arrive à l’endroit tenu secret où se déroule le congrès, il raconte à Yané le complot des turcs et Sandanski rit de bon cœur en disant qu’une fois que la troupe s’était faufilée les turcs, effectivement, avaient commencé à déplacer de grandes pierres en cherchant, sans aucun résultat, l’entrée d’une cachette inexistante !
« Le soleil se lève le soleil couche, dans ma cale il fait toujours nuit. »
Les délégués sont pris d’une émotion soudaine et commencent à chanter avec lui en exprimant, selon Kirov, leur « sentiment patriotique de se battre jusqu’au bout pour la libération de la Macédoine souffrante ».
Ils quittent Lovtcha pendant la nuit en fil indien. Parmi les personnes armées, un sur deux fait partie des délégués « illicites » et un sur deux fait partie des délégués non armés « licites » et ils arrivent tous indemnes à Libyahovo où ils continuent leurs discussions jusqu’au 6 août dans la maison bien spacieuse d’Yvan Koumdjiev.
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